DECOUVREZ VOTRE VRAI VISAGE AVEC DOUGLAS HARDING ET JULES SUPERVIELLE

GENESE du JEU

J'ai commencé à réfléchir au jeu en 2004, année de la publication des Jardins de Colette. Je souhaitais qu'un jeu puisse s'inspirer de l'univers imaginaire du poète Jules Supervielle, dont j'avais fréquenté l'oeuvre durant de longues années : ses mots sont à la fois simples et mystérieux et sa poésie est tout entière tournée vers la connaissance de soi. De plus, il me semblait qu'il portait cette vision si particulière que j'avais découverte en 2002 grâce à Alain Bayod, proche collaborateur d'un des plus grands sages de ce temps, Arnaud Desjardins. Alain m'avait fait connaître l'expérience fondatrice de Douglas Harding, qui avait comme ouvert une porte en mon corps sur l'immensité de l'espace conscient. Cette vision, je l'ai mise en pratique très vite et n'ai jamais cessé de le faire tant elle m'est apparue à la fois simple, toujours à ma portée, quelles que soient les circonstances, et libératrice. Et lorsque je lisais ces vers de Supervielle, qui ont aussi frappé José Le Roy, auteur de la préface du jeu des miroirs, je ne pouvais que me rappeler encore et toujours cette Vision Sans Tête, que tant de mystiques ont vécue :


"Disparais un instant, fais place au paysage,
Le jardin sera beau comme avant le déluge"...


Avoir comme seul Visage le Paysage qui s'offre dans notre champ de vision, c'était en effet redécouvrir le paradis originel, le Jardin d'Eden.  


Alors, je me suis mise au travail, avec passion. Mais il me fallait une trame. J'ai depuis longtemps une fascination pour les parcours initiatiques, celui du jeu de l'oie ou celui que forme, d'un certain point de vue, le zodiaque symbolique, du Bélier égocentrique aux Poissons mystiques. J'ai étudié le parcours des oeuvres poétiques de Supervielle : 12 recueils ! Un mouvement très naturel m'est rapidement apparu, qui formait le cours le plus limpide de cette oeuvre par ailleurs foisonnante : celui des 12 signes astrologiques. Comment ne pas faire le parallèle entre l'exploration d'un espace multidimentionnel (le cosmos étoilé, la profondeur des océans, les gouffres terrestres...) dans Gravitations, 3e recueil du poète, et le signe des Gémeaux, plein de curiosité et de mouvement pour son environnement ? Avec le 4e recueil, Le Forçat innocent, n'étais-je pas soudain ramenée à l'espace clos et intériorisé du Cancer, le 4e signe ? Et le huitième Recueil, entièrement dédié à la Nuit, cette sorcière dangereuse et guérisseuse, ne rappelait-il pas irrésistiblement le huitième signe, celui du Scorpion ?


J'ai longuement réfléchi à ces correspondances et cherché, dans chaque recueil, un symbole majeur qui puisse à la fois représenter l'univers propre au livre et celui du signe correspondant, tout en se révélant un symbole essentiel de l'oeuvre poétique de Supervielle. J'ai ainsi choisi successivement : le chien chasseur, double d'un poète en quête d'images et d'ailleurs (Poèmes) ; la vache nostalgique d'une patrie terrestre (Débarcadères) ; l'oiseau-poisson plein de curiosité (Gravitations) ; la maison qui parfois emprisonne (Le Forçat innocent) ; le "hors-venu" qui, tel Orphée, réveille le monde autour de lui (Les Amis inconnus) ; l'être (féminisé pour la cohérence du jeu) qui médite sur les mondes intérieur et extérieur (La Fable du monde) ; l'arbre, dressé entre "ciel et terre" (1939-1945); la Nuit inquiétante et bienfaisante (A la nuit) ; l'escalier qui construit son avenir mais que l'inconscient fait refluer vers le doute (Oublieuse mémoire) ; la rose, qui cristallise les rêves qui émergent dans l'esprit du poète (Naissances) ; l' "ange des catacombes", indépendant et charitable (L'Escalier) ; et enfin, à l'approche de la mort, le cheval, si épris de liberté et d'espace universel (Le Corps tragique).


Dès lors, tout le jeu s'est choisi pour structure celle du zodiaque symbolique, avec les quatre éléments et les correspondances qui s'établissent entre les différents signes. J'ai étudié en détail la symbolique de chaque signe zodiacal. J'avais même pensé à intituler le jeu : "Le zodiaque symbolique de Supervielle". Mais j'ai finalement opté pour le thème du miroir, pour deux raisons. D'abord, mon travail ne propose qu'un point de vue possible parmi mille autres sur les signes astrologiques. Le zodiaque m'a offert un cadre exhaustif permettant de dégager les grandes facettes de la personnalité humaine - que l'on retrouve forcément dans une oeuvre aussi ample et riche que celle de Supervielle  - mais il n'était qu'un cadre, une structure nécessaire. Par ailleurs, le motif du miroir est si obsédant chez Supervielle et si important dans l'optique de la connaissance de soi selon Douglas Harding qu'il est devenu au fil du temps le motif majeur du jeu.


Quant aux illustrations, j'ai décidé de faire appel à l'artiste qui avait illustré le plateau de jeu des Jardins de Colette : en effet, la force poétique de ses images convenait parfaitement à l'univers de Supervielle, lequel oscille constamment entre le surréalisme et un certain respect des formes du réel tel qu'il se donne à nos sens. Les illustrations des cartes, longuement travaillées au travers d'une étroite collaboration entre l'artiste et l'auteure du jeu, témoignent, je le crois vraiment, d'une fidélité à l'esprit du poète tel que je l'ai appréhendé.


Ce jeu est donc le fruit d'un travail long de six ans, entre 2004 et 2010. A l'apport décisif de la méthode de Douglas Harding, j'ai ajouté mes propres découvertes concernant les images intérieures que nous portons en nous-mêmes : l'expérimentation de l'hypnose éricksonienne, de la sophrologie, puis du rêve-éveillé inventé par Robert Desoille au début du XXe siècle, ainsi que la lecture assidue et la mise en pratique de livres de Marie-Lise Labonté, m'ont convaincue que le recours aux images est un merveilleux moyen de convoquer l'inconscient et de le faire "parler". C'est pourquoi un très grand nombre d'exercices proposés dans le livre qui accompagne le jeu des miroirs font appel à ces images que nous portons en nous le plus souvent sans le savoir et qui sont à notre disposition pour nous renseigner avec une grande précision sur l'état de nos profondeurs psychiques.


Avec l'éditeur Yves Michel, nous avons voulu proposer un livre très facile à utiliser en effaçant l'exploration littéraire qui a pourtant permis de créer ce jeu. La poésie de Supervielle est une porte précieuse qui permet d'entrer plus facilement dans un climat intime, propice à la connaissance de soi et à l'expérience vécue. Les images, par l'intermédiaire de symboles ou de mots, sont le support d'expériences très concrètes destinées à nous faire traverser nos miroirs ordinaires pour accéder à l'éventail de nos multiples facettes, mais aussi à notre réalité la plus profonde, notre visage ultime - celui que Douglas Harding nous invite à découvrir.